Febvin - Palfart 30 mai 1940
Massacre de 32 soldats marocains
Par Emile Pecqueur
Afin que nul n’oublie…
Au pied des monts bleutés en un site historique, il est une colline où flottent nos couleurs. Endormis à jamais, abattus loin des leurs, c’est là que sont tombés ceux de l’armée d’Afrique.
Alignés sous la croix ou la stèle hébraïque, arborant le Croissant du soldat musulman, de modestes tombeaux témoignent de ce sang que versèrent pour nous ceux de l’Armée d’Afrique.
Et sur ce tertre obscur, morne et mélancolique, ils ne sont pas tous là : les autres par milliers, ont jalonné de gloire en usant leurs souliers, la route de l’honneur, chère à l’armée d’Afrique. Quand ils ont débarqué, courageux, magnifiques, venue de Kabylie, d’Alger, venus d’Oran, de Tunis, de Rabat, de Dakar, d’Abidjan, ils étaient de chez nous, ceux de l’Armée d’Afrique.
Ils s’appelaient Muller, Krauth ou Bou-Haïk, Fernano, Ouadi, Ginart ou bien Dardour, ayant pour idéal de planter sur Strasbourg leurs drapeaux glorieux, ceux de l’Armée d’Afrique : à leurs rangs s’ajoutait le peuple nostalgique ayant perdu la France en fuyant l’étranger qui dans « Rhin et Danube » accourait s’engager, fier de rejoindre aussi ceux de l’Armée d’Afrique.
Ils ont rétabli Rome en sa grandeur antique. On les a vus à Sienne, à Monte-Cassino, dans la neige et le froid de Garigliano, dans Mulhouse et Colmar, ceux de l’Armée d’Afrique.
Mais tant d’autres sont morts, en ayant pour musique que la voix du canon et la plainte du vent…
Passant, près de ces tombes, arrête-toi ; là dort l’Armée d’Afrique.
Personne ne peut voler l’âme d’autrui.
J’ai aimé l’action, les souffrances physiques et morales, les responsabilités et surtout l’imprévu au milieu d’hommes bien différents. Que de milliers de kilomètres franchis par tous les temps et sous divers cieux. Mais finalement parfois je me le demande à mon simple échelon : à quoi ont servi tous ces sacrifices et les morts, les disparus, les blessés parmi mes compagnons d’armes, mais aussi les Viets, les Fellaghas que j’estime mais que j’ai pu tuer ou faire tuer parce que j’étais persuadé de défendre de justes causes, comme eux d’ailleurs.
Tout passe, les civilisations, les humains, la famille, mais parfois voir mourir un homme au combat. C’est assez dur….
Rester en vie coûte que coûte n’a aucun sens. Ce qui compte, c’est comment on reste en vie. Si on doit un jour ne plus comprendre comment un homme a pu donner sa vie pour quelque chose qui le dépasse, c’en sera fini de tout un monde, peut-être de toute une civilisation.
Erection d’un monument à Febvin-Palfart
Le massacre du 30 mai 1940
Trente deux soldats marocains de la 1ère Division d’Infanterie Nord Africaine (DINA) qui avaient résisté à l’avance des troupes hitlériennes dans le secteur, ont été lâchement fusillés dans la petite commune de Febvin-Palfart.
Febvin-Palfart, ce nom que beaucoup de lecteurs lisent et entendent pour la première fois est celui d’une petite commune du département du Pas de Calais, placée au faîte des Collines d’Artois, dans un cadre riant de champs, de prairies et de bosquets, d’une population actuelle de 497 habitants, 645 avec ses onze hameaux. De ses hauteurs, on découvre les terrils des mines de houille, la silhouette des Monts des Flandres et on respire les derniers relents d’iode apportés par la brise marine.
Située sur la route départementale de Saint Omer à Saint Pol à douze kilomètres au sud de Thérouanne avec donc, ses hameaux dont les noms pittoresques semblent avoir été choisis en fonction de leur situation ou de leur histoire : Pippemont, Ramiéville, Mont Cornet, Hurtebise, Moulinel, Cou Rouge, Trois Tilleuls, Livossart, Honinghem, Le Plouy, Palfart… à cinq kilomètres en vol d’oiseau à l’ouest de Saint Hilaire-Cottes.
En 1940, au cours de l’avance des colonnes allemandes qi affluaient vers Calais et Dunkerque, un camp de prisonniers de passage fut installé à proximité d’un modeste groupe scolaire et c’est par milliers que nos captifs s’acheminaient par Febvin vers les stalags et les oflags de Germanie. Beaucoup doivent se souvenir encore de l’aide apportée à leur passage par une cuisine de fortune installée par la municipalité qui leur distribuait de substantiels repas dont ils avaient tant besoin.
Plus de soixante ans sont passés et à Febvin-Palfart et ses environs, chacun se souvient encore de l’horrible tuerie qui se déroula à l’aube du 30 mai 1940 dans le vallon de la Méroise où 32 soldats d’une de nos belles Divisions Marocaines faits prisonniers, furent lâchement fusillés par les Allemands.
Personne n’a pu compter jusqu’à ce jour ce que furent ces minutes d’épouvante ! Aucun témoin !
Tous les paysans au cours de ces premières journées d’invasion avaient abandonné les champs et leurs travaux, seules ces quelques phrases ont été retenues :
… Ce matin-là, on entendit des rafales d’armes automatiques et quelques jours après, on découvrit une tranchée comblée et près de là, le corps d’un soldat marocain, la tête fracassée par une balle dans la nuque….. Sombre tragédie ! Les gens du coin ont été nombreux à penser que ces malheureux durent creuser eux-mêmes leur tranchée avant d’être exécutés puis jetés pêle-mêle dans leur tombe enchevêtrés les uns dans les autres. Ils furent vraisemblablement recouverts d’une couche de terre par le dernier…. que les monstres exécutèrent sur le terrain, face contre terre, à trente pas de ses frères.
Les témoignages des habitants recueillis à l’époque concordaient sur ce point.
Avant de s’étendre plus avant, il est bon de reprendre quelques renseignements complémentaires sur cette horrible affaire relatée dans la presse locale.
Le drame arriva le 30 mai 1940 ; ce jour-là, à l’aube, les habitants du village entendirent de nombreuses rafales d’armes automatiques. Quelques jours plus tard, l’on découvrit dans le vallon de la Méroise, une vaste fosse hâtivement comblée et, à proximité, le corps d’un soldat marocain, la tête fracassée par une balle tirée dans la nuque. Les nazis avaient sauvagement exécuté 32 soldats marocains appartenant au 254ème Régiment d’Artillerie Divisionnaire (RAD) de la 1ère division nord-africaine.
Ces soldats avaient été faits prisonniers le 21 mai après avoir résisté vaillamment à l’envahisseur entre Valenciennes et Béthune. En effet, la 1ère Division d’Infanterie Nord-Africaine composée du 34ème Régiment d’artillerie, de la 38ème division d’artillerie et du 254ème régiment d’artillerie divisionnaire avait été chargée de la défense de la forêt de Mormal près de Valenciennes, après avoir combattu dès le 10 mai dans la région de Château-Thierry.
Le Colonel Jacques Savare qui commandait les artilleurs marocains, avait été fait prisonnier près d’Avesnes. Ayant refusé de prendre place dans un char allemand, il fut abattu sur place par les Nazis. C’était un officier dont la valeur et la bonté étaient reconnues par tout le régiment. Les restes de la division avaient tenté alors de gagner Dunkerque.
Le 21 mai, le long de la route de Westrehem, Hurtebise, les 31 soldats marocains conduits par le Brigadier Larbi Ben Azzouz, furent fait prisonniers et conduits au camp provisoire de Febvin-Palfart.
Il n’y eut aucun témoin de cette sordide exécution dont on en ignore les raisons. Il est probable que des soldats nazis fanatiques et racistes aient voulu faire payer leur courage aux braves soldats marocains. L’on pense que les malheureux durent creuser eux-mêmes la fosse avant d’être fusillés puis jetés pêle-mêle dans le charnier.
L’un des soldats marocains dut vraisemblablement recouvrir de terre les corps de ses camarades avant d’être lui-même exécuté d’une balle dans la nuque puis laissé sans sépulture, face contre terre à trente pas de ses frères de race.
Exhumation des victimes
Pendant des mois, l’on ignora exactement le nombre des victimes ainsi que le témoigne la lettre du Maire de Febvin-Palfart adressée le 6 juin 1941 au Sous-Préfet de Saint Omer.
Lettre extraite de l’excellent ouvrage paru « La vie de l’Audomarois sous l’Occupation » de M. R. Dufay.
« « « Par lettre préfectorale du 28 avril, j’étais prié de procéder au plus tôt à l’exhumation des militaires dont les tombes sont situées en bordure des routes ou des emplacements où elles généraient l’exécution des travaux en vue du regroupement des corps dans le cimetière communal.
Sur notre territoire, des corps sont inhumés dans une tranchée longue d’environ 35 mètres. Afin de nous conformer à la circulaire, nous avons fait confectionner 18 cercueils, ne sachant exactement combien nous seraient nécessaires.
Ayant l’intention de procéder au plus tôt à cette exhumation, afin d’éviter les chaleurs, je vous serais reconnaissant, Mr le Sous-Préfet, de vouloir bien en aviser la Kreis kommandantur qui désignera un représentant pour assister à l’exhumation des corps.
L’exhumation qui eut lieu quelques jours plus tard, permit de ré inhumer dans le cimetière communal de Febvin-Palfart, près de l’église, 32 corps de soldats marocains.
Seuls 15 corps furent identifiés, les plaques d’identité ayant été enlevées puis jetées à quelques mètres avec les portefeuilles des victimes vidés de leur contenu. C’est ainsi que 17 pierres tombales portent la mention « inconnu ».
Il a poursuivi. Nous apprenons que la 1ère Division Nord-Africaine dont faisait partie le 254ème RAD était dans la région de Château-Thierry au 10 mai 1940 et fut débarquée dans la région de Valenciennes, les 14 et 15 mai. Engagée aussitôt vers la forêt de Mormal, Trelon, Fourmies… elle fut dispersée après de violents combats. Quelques groupes continuèrent la campagne vers Bouchain, Arras, Béthune, Dunkerque… et finalement après épuisement des munitions et après avoir fait sauter leurs pièces, furent attaqués par l’infanterie allemande.
Nous ne pouvons passer sous silence la mort héroïque du Colonel Savare Jacques, qui commandait ces canonniers marocains. Fait prisonnier vers Avesnes (Nord), il refuse après sa capture de prendre place dans un char ennemi. Après plusieurs sommations, il fut abattu sur place par les Allemands. » » »
A un tel chef ! A de tels hommes…. Va notre pensée ardente ! Puissent quelques milliers de Français et de Françaises, fiers du passé prestigieux de notre beau pays, se grouper autour de nous, afin de commémorer le sacrifice de ceux, qui, devant l’adversité, n’ont pas voulu faiblir ! Nous leur devons bien cela.
L’exhumation, aussitôt terminée et la ré inhumation de ces 32 corps effectuée, le Comité d’Organisation s’est penché sur l’élaboration du Monument envisagé
Le 15 juin 1951, l’Inspecteur Départemental de la reconstruction et de l’Urbanisme a par écrit fait savoir au Préfet que ce monument est difficilement acceptable dans un cimetière de nos régions, derrière une église inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. Ce rappel d’art mauresque aurait pu s’admettre pour un monument à édifier sur un champ de bataille, dans une nécropole nationale. Le 5 juillet 1951, l’architecte en chef des monuments historiques se range derrière cet avis et suggère de trouver un nouvel emplacement.
Finalement, un accord préfectoral intervient le 9 avril 1956. Il fallait renoncer aux inspirations mauresques du projet initié. La construction du monument a été confiée à la société granitière du Nord , Aulnoye, d’après les directives données par la Résidence du Maroc et en s’inspirant du monument à la gloire des Goumiers mixtes marocains à Bouzmika entre Casablanca et Rabat.
L’inauguration de ce monument a eu lieu le 30 mai 1971 dont voici le compte rendu intégral d’une certaine presse à cette occasion.
« « Ce trente mai 1971, 31 ans se sont passées depuis la tuerie de Febvin-Palfart, cet acte odieux des troupes hitlériennes victorieuses fusillant les survivants de la troupe qui leur avait résisté, retardant pour un temps la « blitzkrieg »préparée par le führer et le grand état major de la Wehrmacht. Ils étaient 32 artilleurs du 254ème RAD de la 1ère Division d’Infanterie nord-africaine. Leur chef, le Colonel Savara tombé aux mains des Allemands près d’Avesnes avait été abattu sur place pour avoir refusé de guider les Panzer.
Ils appartenaient semble t’il à la 18ème Batterie. C’est au cours du repli sur Dunkerque qu’ils se trouvèrent coupés de leur unité et encerclés, opposant aux Allemands une résistance qui allait « irriter » ceux-ci.
Dimanche, au lendemain du 26ème anniversaire de l’Armistice qui mit le point final au rêve d’hégémonie des nazis et à leurs crimes, toute la population de Febvin-Palfart était réunie pour accueillir les personnalités et les délégations d’anciens combattants et de citoyens marocains venus participer à l’inauguration du monument qui perpétuera le sacrifice des 32 soldats reposant dans le petit cimetière communal.
Monsieur Martin, maire de Febvin-Palfart entouré de Mr Barbaut animateur du Comité d’érection du monument, de ses conseillers, de Mr Morel et des Anciens Combattants du village, de Mr Dumont et des enfants de l’école accueilli dans la petite mairie les personnalités.
Messieurs Turon, Préfet du Pas-de-Calais, Mohamed Aïouch Consul du Maroc à Lille, Bernard Chochoy, ancien ministre, président du Conseil Général, le Colonel Chaleyssin Président régional des Anciens du Corps Expéditionnaire d’Italie représentant Mme la Maréchale Juin, Madame Savara veuve de l’héroïque Commandant du 254ème RAD, Messieurs Pisani Sous-Préfet de Saint-Omer, le Lieutenant Colonel Puech représentant le Général Louisot Commandant la 2ème RM, le Lieutenant Colonel Biland Commandant le Groupement de Gendarmerie du Pas-de-Calais, Vandeputte Secrétaire Général de la Sous-Préfecture de Saint-Omer, Deglos Secrétaire Général de la Sous-Préfecture de Lens, Dupont Secrétaire Général de l’Office Départemental des Anciens Combattants, Messieurs Rocourt représentant le Président Départemental des ACPG, plusieurs conseillers dont Mrs Gallet, Bécuwe, Huguet et Stoclin, de nombreux maires de la région, le Capitaine Dessaint commandant la Compagnie de Gendarmerie de Saint-Omer, le Lieutenant adjoint au Commandant de la Gendarmerie Mobile d’Arras, Frère Président des ACDF, Bée Secrétaire du Comité d’Entente des Anciens Combattants de Saint-Omer, Gaquière Président des RID, Lelarge des Renseignements Généraux de Saint-Omer……
Une centaine de porte-drapeaux représentant tous les groupements d’Anciens Combattants et Associations Patriotiques du secteur et des Fédérations régionales et départementales formaient la tête du cortège qui se constitua devant la mairie. Le défilé se rendit d’abord devant le Monument aux Morts de la commune. Derrière les drapeaux marchaient les porteurs de gerbes et les écoliers.
Aux élèves de Febvin-Palfart s’étaient joints des écoliers marocains venus de Valenciennes avec leur maître et une délégation d’adultes.
Au monument aux Morts, M Martin pour le Conseil Municipal et M Morel pour les Anciens Combattants déposèrent des gerbes et l’assistance se recueillit une minute.
Le cortège repartit ensuite vers le cimetière devant lequel avaient pris place la célèbre musique du 43ème Régiment d’Infanterie de Lille et deux pelotons du groupe de transport 525 d’Arras pour rendre les honneurs.
Les personnalités prirent place auprès du Monument, les porte-drapeaux derrière les tombes des soldats marocains. Deux enfants, un jeune marocain et une petite française vinrent retirer le voile qui recouvrait cette belle stèle frappée de l’Etoile Chérifienne et dont les lignes sombres sont une invitation au recueillement. Une assistance très nombreuse s’était regroupée autour du cimetière et suivit la cérémonie dans un silence impressionnant. Dans le village, les gendarmes des brigades de Fauquembergue, d’Aire, d’Arques, du Peloton motocycliste de Saint-Omer et de la BRGM de Calais assuraient le service d’ordre.
La première allocution fut celle de M Martin maire de la commune, qui dit l’attachement de ses concitoyens au souvenir des soldats marocains tués dans leur village et la ténacité de ceux qui mirent tout en œuvre pour l’érection du monument. Puis le Colonel Chaleyssin rappela comment sur le front d’Italie, les Tabors Marocains de la petite armée du Général Juin vengèrent leurs camarades de Febvin-Palfart.
« « Camarades artilleurs venus de vos mechtas, de vos ksars ou descendus de vos djebels qui reposez aujourd’hui à Febvin-Palfart au pied de l’Etoile Chérifienne, symbole de votre grand et beau pays d’Islam, vos frères d’armes d’Italie vous disent adieu. Ils ne vous oublieront pas… » »
M Bernard Chochoy prit ensuite la parole. Le président du Conseil Général évoqua les combats de la vaillante 1ère DINA pendant ce douloureux mois de mai 1940. Il associa au souvenir des Marocains tués à Febvin-Palfart celui de leurs pères de la Division Marocaine qui voici 56 ans le 9 mai 1915 se lançaient à l’assaut de la côte 140 sur les hauteurs de Vimy, sur cette même terre d’Artois.
Rendant hommage à l’inlassable dévouement de M et Mme Barbaut, M Chochoy dit dans quel esprit le Conseil Général avait tenu à ce que soit menée à bien l’érection du Monument en y apportant sa contribution. Ce monument honore dans notre pensée non seulement ces martyrs du 30 mai 1940 mais également tous ceux qui ont lutté et souffert avec eux dans le même combat. Et M Chochoy conclut en souhaitant que l’amitié scellée dans le sang entre la France et le Maroc se développe dans une coopération toujours plus étroite entre la France et le Maroc.
S’adressant à ses compatriotes qui reposent à Febvin-Palfart, M Mohamed Aïouch montra que leur sacrifice n’avait pas été vain. Il salua les habitants de Febvin-Palfart qui ont participé à l’érection de ce monument afin que demeure impérissable le souvenir de ces hommes venus en terre de France servir la liberté jusqu’à en mourir.
Concluant ce discours, M Turon, lui-même Sous-Lieutenant en mai 1940 au 27ème Régiment de Tirailleurs Algériens de la 1ère DINA rappela les combats de cette unité en donnant lecture de la lettre qu’avait adressé en décembre 1950 au maire de Febvin-Palfart, le Général Tarnif ancien Commandant de la 1ère DINA. Et le Préfet du Pas-de-Calais conclut en rendant un solennel hommage aux martyrs dont le souvenir est gravé dans le monument comme dans nos mémoires fraternelles.
Puis Mrs Turon, Aïouch, Chochoy et les représentants des Anciens Combattants vinrent déposer des gerbes au pied du monument.
Ce furent ensuite des enfants français et marocains qui plantèrent sur les 32 tombes des petits drapeaux de leur pays.
La municipalité de Febvin-Palfart, le souvenir français et les associations patriotiques entretiennent depuis régulièrement les tombes de ces soldats morts victimes de la barbarie nazie. Pour eux, la France était alors leur patrie.
Les corps de ces fusillés furent exhumés et ré inhumés en 1941, dans le cimetière communal par ordre des autorités allemandes. 32 corps furent extraits de la tranchée et 15 seulement purent être identifiés. Tâche ardue, difficile après un an d’inhumation. Tous portaient le coup de grâce avec la nuque fracassée. Les plaques d’identité avaient été enlevées et le procès-verbal relate : porte-monnaie et portefeuilles vidés de leur contenu. Il nous faut ici encore rendre hommage à ceux qui ont participé à ce travail, n’ayant pas ménagé leur peine devant une besogne aussi horrifiante.
Il est bon aussi de reproduire ici ces mots de M le maire de Febvin-Palfart Dumetz Bertin, alors président du Comité d’action.
« S’ils ont été conduits là où ils sont tombés, s’ils reposent en paix de leur dernier sommeil dans notre petit cimetière, c’est parce qu’ils nous aimaient et qu’ils connaissaient le rayonnement de la pensée française, c’est aussi parce qu’ils ont voulu servir la France, jusqu’à en mourir. »
Un comité actif d’organisation, soucieux de garder le souvenir de cette atroce tragédie, a décidé de mettre tout en œuvre afin d’édifier sur leur tombe un monument rappelant leur sacrifice. Il serait indigne des Anciens Combattants de laisser sombrer dans l’oubli, le souvenir de nos frères d’armes massacrés et tombés au champ d’honneur.
Le maire de Febvin de l’époque a encore fait savoir : notre ambition n’est pas démesurée. Nous voulons un simple monument, en rapport avec les rites musulmans qui perpétuera ce crime et gardera pur notre sol d’Artois baigné de leur sang, la mémoire de nos 32 fusillés. Les générations futures en auront la garde et en alimenteront le culte. Nous pensons à y incorporer une pierre marocaine car malgré notre modestie et nos maigres ressources, nous voudrions lui donner une valeur artistique réelle. Notre terre de France leur sera ainsi, dans leur tombeau, rendue plus douce et plus hospitalière. Nous serons forts car nous savons notre cause juste et désintéressée et sommes persuadés que tous les hommes de cœur seront avec nous.
Le Consul du Maroc et les membres de la délégation marocaine récitèrent les prières islamiques des morts avant l’interprétation par la musique du 43ème Régiment d’Infanterie, de l’hymne national marocain et de la Marseillaise.
Ceci exposé, venons maintenant au souvenir franco-marocain.
A nous le souvenir, à eux l’immortalité !!!
Le 30 mai 1940, ces 32 soldats de la 1ère Division d’Infanterie nord africaine étaient massacrés par des SS dans le vallon de la Méroise. Depuis 1941, ces braves, morts pour la France reposent dans le cimetière de Febvin-Palfart. En 1950, une souscription publique était lancée pour envisager la construction d’un mémorial marocain. Après moult vicissitudes, le mémorial était achevé au pied de l’église en 1971 et inauguré le 9 mai.
Un quart de siècle plus tard, à l’occasion du 25ème anniversaire mai 1996, le Comité du Souvenir Français du canton de Fauquembergues, fort d’une soixantaine d’adhérents, présidé par M Duwicquet et la municipalité ont voulu marquer le coup en organisant une belle manifestation patriotique, placée sous le signe de l’amitié franco-marocaine. Dans la matinée du dimanche, la municipalité hissa les couleurs marocaines et déposa une gerbe à l’endroit même où les 32 soldats avaient été abattus. Une délégation marocaine conduite par M Saïd Ben Tama Consul du Maroc à Lille depuis 1991 vint s’y recueillir. Un office religieux fut ensuite célébré par l’abbé Fournier. Dans la cour avaient pris place 25 drapeaux et associations d’Anciens Combattants et du Souvenir Français.
A l’issue de l’office, le club musical d’Estrée-Blanche prit la tête du cortège pour l’emmener vers le Mémorial aux 32 tombes. Silence et émotion quand Mrs Duwicquet, Delvaux, Ben Tama, Loison et le Colonel Leviel déposèrent les gerbes, quand le club musical interpréta l’hymne marocain.
Emotion encore quand deux enfants déposèrent une fleur au pied de chaque tombe des 15 soldats identifiés et 17 inconnus. M Duwicquet signala que ce Mémorial était le cœur et l’âme de Febvin-Palfart mais aussi de la France et du Maroc. L’union entre les peuples est réalisable lança t’il, respectons les et respectons nous.
M Loison, Maire, insista sur la sauvagerie du régime nazi et rappela à ceux qui tergiversent qu’aux heures les plus sombres, l’honneur de la France s’est profondément enraciné dans la terre d’Afrique.
Il revint sur la nécessité d’expliquer aux enfants que liberté et nationalisme sont incompatibles, que patriotisme et tolérance doivent être indissociables. A Febvin-Palfart, liberté et souvenir ont le teint basané de ces trente deux soldats marocains.
Le 1er novembre 1995, la commune de Febvin-Palfart a voulu à nouveau porter un témoignage à ceux qui cinquante ans plus tôt, sont tombés sous les balles allemandes. Suite à un dépôt de gerbes au Monument aux Morts français, s’en suivit alors un moment de recueillement au Monument aux Morts marocains. M Loison, Maire, commence par remercier par leur présence les maires des communes environnantes, les anciens combattants, les porte-drapeaux et M Duwicquet responsable du souvenir français de Fauquembergues. Il poursuivit son allocution par une pensée pour le Général Petit d’Estrée-Blanche, absent pour raison de santé, mais qui n’aurait certainement pas renié la phrase « cinquante ans et cinquante millions de morts, tristes souvenirs ». Eut lieu ensuite le dépôt de gerbes et un moment de recueillement de tous les présents.
De 1995 à 2002, les commémorations ont été poursuivies, organisées par la municipalité de Febvin-Palfart et avec le concours du Souvenir Français du canton de Fauquembergues auquel la commune de Febvin est rattachée.
En 2003, le Comité du Souvenir français de Febvin-Palfart a été instauré et le président élu M Pierre Morel a poursuivi le témoignage manifesté à ces martyrs dans les mêmes conditions.
Au passage, il apparaît juste d’adresser de vifs remerciements au Souvenir Français de Fauquembergues et à son président M Duwicquet pour leurs présences et activités à toutes les cérémonies du souvenir 1971-2002.
Décédé en septembre 2004, le président Pierre Morel a été remplacé dans ses fonctions par M Bernard Demany qui, depuis continue avec ses adhérents et la municipalité à entretenir le Monument et les trente deux tombes.
Le témoignage porté à ces soldats le jour de la Toussaint, a été et est toujours fermement maintenu. Par la présence du drapeau français au Monument aux Morts de la commune, la montée des couleurs franco-marocaines au Mémorial, dépôt de gerbes à ces deux endroits, ces moments émouvants de ces cérémonies aident chacun à se souvenir et méditer.
Comme il a été écrit par une personnalité locale en ces lieux lors du souvenir franco-marocain en 1971, la petite commune de Febvin-Palfart peut se permettre de répéter avec honneur et fierté…
« « « A Febvin-Palfart, Liberté et Souvenir ont le teint basané de ces 32 soldats marocains. » » »
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