Commémoration de l’Armistice
92ème anniversaire de la guerre 1914-1918
Jeudi 11 novembre 2010
Les habitants sont venus nombreux, rendre hommage aux « poilus » qui ont donné leur vie pour notre liberté.
Pourtant le temps était plus que maussade : vent et pluie. Que de parapluies retournés !!!
En outre, les musiciens de l’ « Harmonie Fanien » de Lillers avaient bien du courage : tous les instruments à vent n’aiment guère être confrontés aux intempéries.
Comme les années précédentes, une gerbe a été déposée à Cottes sur les tombes de Jules Clabaut et de Jean Lagarrigue puis à Saint Hilaire sur celles de Dominique Rigaud tué au Tchad et des combattants du Commonwealth.
De là, l’Harmonie Fanien nous a accompagnés au Monument aux Morts : par ce triste temps, la sonnerie aux morts a ému plus d’une personne ; elle avait ici tout son sens.
Ce ne fut qu’à la salle des fêtes qu’eurent lieu les discours en présence des enfants qui ont nommé tous les soldats « Morts pour la France ».
Mr Guy Dubois a relaté la vie d’un des nôtres, décédé durant la 1ère guerre mondiale.
Voici ce qu’il nous a appris :
« Le 11 novembre occupe une place à part dans nos cœurs.
Ce conflit a constitué l'un des terreaux puissants qui fondent une nation dans la profondeur de la douleur puis dans la gloire de la victoire. Si cette guerre a participé à la fondation du sentiment national, n'oublions pas qu'elle a aussi contribué à une multitude de souffrances individuelles.
Lorsqu’on parle de cette guerre, on évoque souvent les conditions inhumaines dans lesquelles nos poilus évoluaient :
- dans les tranchées, dans la boue au milieu des rats et couverts de parasites, fauchés par la mitraille et les obus
- foulant le sol jonché de cadavres et de victimes agonisantes…
Mais l’on parle très peu des souffrances inouïes endurées par les victimes des gaz invalidants.
D’avril 1915 à septembre 1917, les Allemands procèdent, une cinquantaine de fois, à des attaques par émission de gaz.
Début juillet, le 1er Régiment d’artillerie à pied à laquelle appartient Paul Delhotel, est engagé auprès des alliés dans la troisième bataille d’Ypres.
Paul, est né le 12 février 1879 dans notre village, où il exploite une ferme à côté de son épouse Maria et de ses trois enfants, Augustine, 17 ans, Paul, 11 ans et Zélie 5 ans.
Il approche les 38 ans lorsqu’il est mobilisé. Il sera dirigé directement sur le front des batailles.
Au village, beaucoup d’hommes sont partis, ce sont les femmes qui les remplacent. Il y a beaucoup d’entraide certes, mais ces femmes dont nombre d’entre elles n’ont pas hésité à se rendre à la ville pour travailler dans les usines où soigner les blessés au front, font preuves d’un véritable héroïsme.
Maria travaille dur, elle doit s'occuper des enfants, entretenir la ferme, le bétail, préparer la moisson...
Mais elle ne se plaint pas auprès de Paul. Au contraire, elle lui envoie des lettres encourageantes.
Le 11 juillet , l’offensive des alliés est stoppée par une attaque des allemands par émission d’un nouveau gaz, le gaz moutarde, appelé par la suite, ypérite en référence à la ville d’Ypres. Ce gaz terrifiant provoque des lésions importantes sur la peau et s’attaque aux yeux et aux poumons .
Poussé par le vent, le nuage dérive vers les lignes alliés. Chez les Français c'est la débandade, les corps de centaines de soldats asphyxiés se mêlent aux milliers d'agonisants.
Les compagnies reculent pour sortir de l'atmosphère viciée qui les étreignent. Les Allemands, protégés par leurs masques, avancent en lignes tirant sur ceux de nos hommes que le poison n'a pas tout à fait terrassés.
Un nombre considérable de soldats est mis hors de combat.
Paul est parmi les agonisants. Il est aveugle, ses poumons et ses bronches sont brûlés. Transporté à l’hôpital militaire de Bergues, il y décèdera le 8 août au terme d’horribles souffrances.
Au village, Maria comme toutes les femmes de soldats, vit constamment dans l'angoisse. 19 hommes pour la plupart très jeunes, ont déjà donné leur sang pour la patrie dont les deux frères de la maman de Paul, Louis et Emile Crépin. Louis, le 4 septembre 1916 dans la bataille de la Somme, Emile, le 13 mai 1917, lors de l'offensive de la marne.
C’est un choc brutal pour Maria, lorsque ce huit août vers 17 heures, Louis Vast, maire de la commune, se présente à la ferme. Il vient de recevoir un télégramme émanant du Médecin chef de l’hôpital de Bergues lui demandant de l’aviser que son mari est dans un état grave.
Imaginons quelle a dû être la douleur de cette femme et de ses enfants, lorsque quelques heures plus tard, le maire, porteur d’un nouveau télégramme, venait lui annoncer la mort de Paul.
Maria ne s’en remettra pas.
Triste privilège qu’est celui qui incombe au premier magistrat de la commune dans de telles circonstances.
J’ai voulu, en traçant ces quelques lignes nous faire prendre conscience de la souffrance et du tragique destin d’une famille, parmi tant d’autres, qui avait droit au bonheur et qui aurait pu connaître des jours heureux sans cette guerre impitoyable qui l’ a brisée.
Je terminerai mon propos par cette citation d’un jeune sergent dans une lettre écrite à sa mère le 6 avril 1916, avant de monter à l’assaut au cours duquel il sera porté disparu.
"Chère mère bien aimée, à midi, nous voici sur l'extrême position d'attente. Je t'envoie tout mon amour. Quoi qu'il arrive, la vie aura eu de la beauté". »
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