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Ma présence à Madagascar

 

par Emile Pecqueur

 


Quelques cas particuliers qui ont marqué ma présence à Madagascar de décembre 1968 à janvier 1971.

 

Ces quelques lignes que je vais noircir à présent seront destinées à ma famille et à des amis lecteurs passionnés de mes récits, ceci dans l’espoir de les renseigner plus concrètement dirais-je sur certains « passages » de ma vie en cette Grande Ile qu’est Madagascar.

 

Quelques renseignements comme entrée en matière sur cette grande île ou île rouge qui a une population de plus de quatre millions d’habitants. La zone ouest de cette île, notre point d’attache, est occupée par des plateaux et des collines sédimentaires calcaires et gréseux, d’un climat très sec, domaine de la forêt claire de la savane et de la brousse. Sa population comprend de nombreuses ethnies dont j’en donne détail dans mon récit d’origine. Ces dernières années, les vazahas (étrangers) étaient encore nombreux en ce pays.

 

En 1985, ils étaient près de 50000 dont 16 français et 700 coopérants avec leur famille. Les langues officielles sont le malgache et le français. Les principales religions sont animistes 52% (culte des ancêtres), la famadihana fête catholique 21% (changement de linceul à laquelle j’ai participé et en ferai ci-après le récit réel) protestants 20%, musulmans 7%.

 

Pour information, le circuit routier pour l’île est d’environ 49800 km dont seulement 5300 bitumés. Il fallait aussi tenir compte en ce qui concernait mon secteur que les chemins de brousse étaient impraticables à la saison des pluies pendant des mois.

 

L’indépendance de Madagascar a été proclamée le 26 juin 1960.

 

Je vais donc reprendre des faits auxquels j’ai été mêlé, ai participé pour donner satisfaction à ma curiosité d’observateur pour ne pas dire explorateur, en suivant l’ordre chronologique des récits d’origine.

En premier lieu, quelques lignes sur la mission catholique canadienne avec qui mon épouse et moi avons vécu étroitement liés durant deux années : la mission était installée à Maintirano lors de l’indépendance du pays. Elle est à l’origine de la création de l’église catholique de la ville et de la mise en place d’un service social très poussé au point de vue éducation, soins médicaux auprès des populations de Maintirano et des villages de brousse, offrant des soins et des cérémonies religieuses aux gens de la brousse. Tous les membres de cette Institution parlent couramment le malgache.

A mon arrivée à Maintirano le 29 décembre 1968, j’ai constaté à l’aérodrome parmi les malgaches présents, au total une vingtaine de personnes non pas toutes là pour m’accueillir mais aussi à l’arrivée du D.C.3 effectuant sa liaison régulière. J’ai remarqué la présence de quatre personnes de couleur blanche et dans une tenue également bien blanche.

Le gendarme français conseiller technique comme moi pour m’accueillir, m’a présenté ainsi qu’à mon épouse ces personnages comme étant les responsables de la Mission Catholique Canadienne installée à la ville. Il y avait le Père supérieur, un frère missionnaire, la Mère supérieure avec une sœur également missionnaire. Cela nous a marqués et aussi les mots de bienvenue présentés dans un français des plus correct.

Après le repas du midi pris avec le gendarme français et son épouse, sans oublier le petit moutard âgé de deux ans, au restaurant grec de la ville, nous sommes retournés à la caserne de gendarmerie, implantée dans le domaine de l’ancien district équivalent de sous-préfecture. Les bâtiments de la nouvelle sous-préfecture se trouvaient au centre ville à près d’un kilomètre. L’après-midi du dit jour, alors que je prenais contact avec le personnel de la Compagnie de Gendarmerie, la Mère Supérieure de la Mission s’est présentée à mon épouse pour nous proposer l’aide de la Mission pour notre installation et nous inviter à prendre le repas du soir chez eux.

De suite, je dirais que « la colonie française » de Maintirano n’était que de huit sujets en plus de nos deux familles de la gendarmerie. En début de soirée alors que la fraîcheur arrivait du canal de Mozambique à quelques centaines de mètres, un père missionnaire est venu nous prendre avec sa Land Rover pour nous emmener à la Mission bâtie sur une falaise à trois kilomètres environ de notre casernement. La prise de contact avec les six religieux et quatre religieuses de cette Institution a été des plus cordiale, ce qui a réconforté mon épouse qui se voyait un peu seule à l’arrivée dans notre nouvelle résidence. Nous avons été très touchés de l’accueil de cette Mission dès nos premières heures à Maintirano et ferais savoir que des liens très étroits se sont établis avec eux tous durant notre séjour.

Après avoir narré sur plusieurs pages, la vie avec la Mission Catholique, je ne puis faire sans relater ce qui suit.

 

« Le 27 juillet 1968, le Père supérieur de cette Mission Eugène André Rivet décédait subitement à Maintirano. Toute la ville et les villages environnants catholiques ou non, ont assisté aux funérailles à l’église et aux abords de la Mission en présence des autorités et notables, des membres de sa famille, de hauts dignitaires de l’Eglise Catholique canadienne venus par avion spécial de Québec, sa ville d’origine, et d’une représentation de l’Evêché de Tananarive. Il avait souhaité d’être inhumé à sa mort, sur le terrain même de la Mission, après avoir été embaumé. Il m’a été permis d’assister à son embaumement opéré par un professionnel embaumeur de la capitale. Son corps a été déposé dans un caveau à quelques mètres de l’église où il était possible de contempler la tête du défunt par une petite baie vitrée aménagée à cet effet. Je possède encore quelques photos de ces lieux.

En compagnie de mon épouse, je suis allé à différentes reprises me recueillir à titre de reconnaissance, de fidélité et de remerciements devant son caveau.

Nous avons aussi assisté à tous les offices qui ont été proclamés en reconnaissance à ce Révérend Père et de tous ses bienfaits.

 

Ceci présenté, j’aborde de suite un autre « fait » important auquel j’ai participé et qui est le « retournement des morts » en français, en Malgache « le famadihana ». En ce mois de septembre, la voiture cahote sur la route rouge et poussiéreuse qui traverse des villages aux maisons pointues et couvertes de chaume. Nous longeons des murailles faites d’énormes blocs de terre séchée qui entouraient autrefois les propriétés des nobles Mérina et empêchaient qu’on vint les voler. Ce n’est pas rare de fendre une foule qui danse et qui chante au son des fifres, tambours et accordéons. Dans le halo de poussière brunâtre s’élevant de la piste, les visages sombres brillent de transpiration. Les femmes vêtues d’étoffes imprimées aux couleurs vives, les hommes drapés dans des pièces de teintes plus sombres, gesticulent. Ils sont précédés d’un pavillon aux couleurs nationales malgaches que brandit un enfant. Ceci prouve qu’une famille a obtenu de la police l’autorisation de procéder aujourd’hui au famadihana.

C’est une coutume particulière à Madagascar et surtout répandue dans les hauts plateaux, c’est un devoir pour les vivants d’assurer aux ancêtres qui vivent dans l’au-delà,  un tombeau bien entretenu, parfois même luxueux, où les cadavres couchés sur des lits de pierre poursuivent à plusieurs leur repos éternel. C’est un grand malheur pour l’homme surtout de l’Imérina de ne pas revenir dans le caveau familial.

Et à certaines époques de l’année, tous les moyens de transport de l’île véhiculent les cadavres des Hovas morts loin de chez eux. Les riches reviennent par avion et les pauvres sur le porte-bagage de la bicyclette d’un pieux descendant qui n’a pas omis d’accrocher un fanion à son guidon.

 

Nous y arrivons, des tombes avec ou sans croix, contemplent les vallonnements modérés des plateaux. Nous sommes parvenus près d’une « belle » tombe construite par un maçon local. Il y a plusieurs corps dans le caveau. Aujourd’hui, en particulier le samedi, a été désigné par les devins comme jour faste et, au milieu des nombreux cortèges qui, dans les campagnes suivent sur les sentiers poussiéreux, voici la famille à qui j’ai demandé la permission de suivre sa cérémonie. J’allais décrire d’assister au rite désolant et macabre, mais les danseurs coiffés de chapeaux de papier provenant d’on ne sait quel cotillon, éclataient d’une gaieté bruyante. Des tambours se font assourdissants, la foule s’agite de plus belle, un vieillard vêtu d’une étoffe à larges bandes brunes et noires monte sur le tombeau. Il annonce que le devin a dit que l’heure faste est à quinze heures, il attend pour donner le premier coup d’angady (pioche).

En effet, relevant son lamba, il consulte à son poignet sa montre. Après avoir fait déplacer de grandes pierres plates, il commence à creuser, bientôt remplacé par des hommes plus robustes. Il leur faudra plus d’une heure pour enlever toute la terre recouvrant d’autres dalles sous lesquelles un escalier donne accès au tombeau.

Pendant ce temps, les femmes dansent avec beaucoup de sens du rythme. Dans le dos de l’une d’elles, la tête minuscule d’un bébé roule des yeux ronds mais nullement effrayés. La terre à présent est dégagée, l’escalier est accessible, à l’intérieur, on distingue de part et d’autre d’un passage central des lits de brique superposés. On apporte de grandes nattes de paille blonde. Une à une, elles disparaissent dans la tombe, une à une elles reviennent, mais alors elles contiennent les corps. Les femmes dansent alignées, les bras levés, elles brandissent à plusieurs les cadavres au-dessus de leurs têtes. Successivement, elles déposent sur le sol les rouleaux qui contiennent des corps. On ouvre la première natte, une masse brune comme la poussière apparaît dans une étoffe désagrégée. On a peine à imaginer que cela fut un homme. On roule ces pauvres restes dans un linceul éclatant de blancheur, puis l’opération est recommencée pour les autres nattes de paille. Les femmes sont assises sur le sol, assises sur leurs jambes ; puis elles portent à plusieurs les morts de nouveau enroulés dans des nattes. Celles qui pleurent seront réprimandées par le vieillard. Un jeune homme ivre danse devant une gracieuse fillette : il l’enveloppe de gestes sans équivoque. Enfin, les femmes enlèvent les nattes qui ont servi aux défunts ; celles qui réussiront à en conserver un morceau seront sûres d’être fécondées dans l’année.

Mais il est temps de réintégrer dans le tombeau les morts qu’on a honorés. Leurs descendants directs les empoignent et les emportent en dansant.

En fin de ce rite, la famille à qui j’ai demandé l’autorisation d’assister, s’est présentée à moi au grand complet. Par l’intermédiaire d’un notable, elle m’a fait savoir qu’elle tenait à me remercier d’avoir honoré ses ancêtres et à m’offrir l’un de ses plus beaux boeufs-zébus en s’appuyant sur le proverbe malgache qui dit : « L’argent dépensé pour les morts n’est jamais perdu.. »

 

Le lecteur curieux des choses d’Outre-Mer sera heureux, j’ose l’espérer, de lire le « carnet de route » du modeste explorateur ou mieux observateur que j’ai été, mais formé à la dure école de la brousse et qui s’est efforcé durant ses vingt années passées en ces lieux de voir, et de comprendre avant de juger. Il va bien falloir que je me résigne à arrêter mais comment m’y prendre ?

J’ai trouvé : passer une agréable journée à l’extrême sud de l’île par une excursion au Capricorne.

Journée de détente : par Dakota direction le Tropique du Capricorne avec Tuléar et Saint Augustin.

… Après le Tropique du Cancer voici que je vais franchir celui du Capricorne… Je m’en suis posé des questions pour savoir si tout cela était bien vrai… Veuillez m’excuser dans mon récit, je dis « nous » eh bien oui, Madame Pecqueur m’accompagnait cette fois-là. Peu après Maintirano, nous trouvons à la droite le canal du Mozambique avec ses nombreuses baies, quelques gros bourgs Soahalama, Masoarivo avec le delta du Manambolo. A gauche, le plateau des Beinaraho avec la Causse de l’Anisingy dont j’ai déjà parlé dans mes récits, superbe paysage avec des massifs de trois cents à huit cents trente mètres au milieu de vastes forêts. Nous survolons une petite ville Antsalora puis nous piquons sur Békopaka avec de splendides gorges ; ensuite Belo sur Tsiribihina entouré de nombreux lacs.

Toujours plus vers le sud, nous avons à notre droite Morondava avec sa brigade de gendarmerie, à gauche Fianarantsoa, près de 120000 habitants au pied du massif de l’Isalo avec ses caractères alpestres. Puis nous arrivons à hauteur de la Baie de Saint Augustin qui se trouve sur le Tropique du Capricorne.

Nous mettons pied à terre à nouveau sur l’aérodrome de Toléara (ex Tuléar). Joli centre fréquenté par de nombreux touristes fiers de dire qu’ils ont marché sur le Tropique. Toléara en pleine extension avec ses 61000 habitants et son port. Nous saluons la Brigade de Gendarmerie commandée elle par un Capitaine malgache. Saint Augustin avec les eaux bleues de sa baie où passe donc le Tropique.

Après celui de l’hémisphère nord, le Cancer voici celui de l’hémisphère sud après être passé au cercle de la sphère terrestre, l’Equateur. Nous traversons un village vesou (mot créole), sympathique mais sale où des épis de maïs sèchent sur les toits. Les rues ont une odeur fade ; la grande forêt envahit les collines humides. La vue entre les masures a des échappées sur des montagnes noires et froides. Dans un tranom-fakolona (salle des fêtes) voisine s’élèvent des mélopées betsiléo et spenca et des robes du soir tournoient.

Nous suivons une route plus caillouteuse ; les petits villages betsiléos aux habitations blanches sont agrippés aux pentes des montagnes,  maisons de briques à piliers. Le paysage se fait de plus en plus aigu, les pics sont parfois de gigantesques pains de sucre blancs et lissés. La route franchit des cours d’eaux cascadant sur des radiers submersibles. De beaux troupeaux de bœufs. Nous arrivons à Ranohiro, poste de gendarmerie et hôtel.

On y parle de la grotte des Portugais où il y aurait plusieurs siècles, des naufragés se seraient aménagé de véritables appartements. La visite est rapide par manque de temps. Près de cette grotte vivent encore des gens d’une tribu au teint clair, que l’on continue d’appeler «  les zaza Manuel » (les enfants de Manuel).

Plus loin, on nous montre des autruches qui auraient été importées à Madagascar au début du siècle et on a gardé quelques uns de ces oiseaux qui se reproduisent dans une ferme vétérinaire.

A Saint Augustin, les navigateurs blancs d’autrefois ont laissé des traces sur le flanc d’une montagne crayeuse qui domine la baie, un tombeau de pierres sèches avec une croix. En bas sur la plage, une église au clocher badigeonné de chaux, des pêcheurs vêtus du seul cache-sexe ont des caractères différents des races côtières du nord. Ils ramènent d’énormes charges teintées de rose, les poissons des coraux.

Des villages aux cases de lamelles de bambou  perchées sur des amoncellements de cailloux. Des charrettes bâchées tirées par des bœufs encombrent la route. Il fait chaud. Nous nous désaltérons chez un cafetier qui a perdu un bras en 1917, qui nous raconte ses campagnes. La piste qui mène de Tuléar à Fort-Dauphin, Taolagnare, est bonne toute l’année.

A quelques kilomètres, se trouvent des gisements charbonniers.

 

Comme l’on dit « tout a une fin ».
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