La gendarmerie sur le terrain, Emile Pecqueur  
 
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La gendarmerie sur le terrain

 

par Emile Pecqueur

 


Je ne puis faire sans ce petit retour sur la terrible besogne des chercheurs de l’or noir à Hassi-Messaoud et sur plus de cent Kilomètres à la ronde de ce point, aujourd’hui perdu, abandonné.

Depuis la découverte des gisements pétrolifères, Ouargla fait figure de capitale du pétrole et attire, à ce titre, de nombreux candidats aux emplois offerts par les compagnies pétrolières. Il importe de veiller à ce que certains agitateurs ne se glissent parmi les honnêtes travailleurs. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne Hassi-Messaoud.

 

La brigade de gendarmerie qui y est installée, s’attache spécialement à cette mission en collaborant étroitement avec le Groupe national de nomades et aussi parfois avec les hommes d’un Escadron de Gendarmerie Mobile de France en séjour saharien. Ce fut le cas en novembre 1961 avec les hommes de l’Escadron de Beaune. Je ne fournirai pas plus de renseignements sur ce dernier point me contentant de narrer ce que j’ai vu, vécu et parfois aimé.

 

Les gendarmes sahariens (identification exacte : Gendarmes du Groupement des Oasis dont je faisais partie) patrouillent inlassablement, interpellent, contrôlent, fouillent et identifient. Au cours de ces nombreuses sorties, le personnel a noué des relations amicales avec les « pétroliers ». Il parle maintenant volontiers de sondes, de trépans,  de sismique de forages, d’injection de boue, de la C.F.P.A. de la S.N.REPAL.

 

Chaque gendarme a pu se rendre à Hassi-Messaoud soit au cours d’une mission, soit en visiteur. Il a vu les sondes, les forages, les puits en cours d’exploitation et reçu toutes explications nécessaires aimablement fournies par les techniciens des « public relations » des deux sociétés nommées ci-dessus. Les gendarmes d’Hassi-Messaoud ont même eu le privilège d’intervenir lors de l’éruption de gaz incontrôlée et de l’incendie qui suivit au sondage de G.T.2 (Gassi-Touil) en novembre 1961.

Gassi-Touil n°2 est situé à 150 kms au sud d’Hassi-Messaoud et à 4km500 à l’est de la route (je devrais dire la piste) Fort- Lallemand – Fort Flatters. Malgré les efforts du personnel de la sonde pour obturer la fuite de gaz par des essais successifs de cimentation, le 3 novembre, la pression s’accroît rapidement jusqu’à atteindre, à 17 heures, 150kg/cm2.

 

A ce moment, le puits part brutalement en éruption par suite d’un défaut d’étanchéité (rupture de joints). Le 4 novembre au soir, la fuite s’est amplifiée et son débit atteint plusieurs millions de mètres-cubes par jour. La circulation sur la piste Ouargla-Fort Flatters devient dangereuse et il faut l’interdire quand le vent ramène vers elle les nappes de gaz dont la teneur en gazoline est telle qu’elles sont explosives.

 

Trois postes de quatre gendarmes chacun sont mis en place : deux sur la route et un à proximité du sondage. Un problème se pose pour leurs liaisons : à certains moments, l’emploi d’un poste radio ou d’un téléphone de campagne peut provoquer une explosion. Une formule a été trouvée en accord avec les techniciens des lieux. Je n’en dirai pas plus sur ce point.

 

Le 5 novembre après un essai infructueux d’injection de boue, la société la COPEFA décide de faire appel à des spécialistes américains. Deux techniciens de la « Red Adair » arrivent sur les lieux le 9 novembre avec un matériel très important dont la mise en place s’effectue  dans des conditions extrêmement difficiles et dangereuses. Leur but est de « tuer » le puits en envoyant par les tiges un gros volume de boue. L’opération de pompage commence le 13 novembre en fin de matinée, 180 m3 de boue ont été injectés dans le puits en moins d’une heure. A 10h57, la boue commence à jaillir en grande quantité avec le gaz. A 11h42, le pompage de la boue est arrêté car elle est entraînée par le puissant courant de gaz sans pour autant diminuer le débit de l’éruption. La tentative faite en vue de tuer le puits a donc échoué. La situation est donc dangereuse aux abords du GT.2, elle est même explosive. A partit de 11h59, il ne reste plus personne à proximité du trou. A 12h07, l’incendie s’allume. 57 minutes plus tard, le mât de forage se couche dans d’énormes volutes de flammes et de fumée noire. Tout le matériel de la sonde d’une valeur de plusieurs centaines de millions a été détruit. GT.2 brûle maintenant en faisant trembler le sol environnant avec un bruit d’apocalypse assez comparable à celui que fait un quadrimoteur Boeing décollant plein régime.

Pour tous les curieux qui viennent voir l’immense flamme aux reflets rougeâtres, ce n’est plus GT.2, mais le « briquet du diable » révélant aux visiteurs inquiets la violente énergie insoupçonnée que la terre recèle dans ses entrailles…

 

L’incendie du puits de Gassi-Touil a été éteint le 28 avril 1962 par l’explosion d’une charge de 300 kg de dynamite à la base de la flamme. J’ose espérer que les lecteurs éventuels de mes récits réels, parviendront à se représenter, juger eux même, le vrai travail de ces pétroliers et aussi les risques encourus dans l’exercice de leur besogne.

Il ne faut pas oublier non plus qu’ils travaillaient nuit et jour pendant des mois et que, dans ces zones du Sahara la chaleur journalière atteint 52 à 54° et qu’à une certaine époque de l’année la température des nuits descendait à près de zéro. C’est au cours de ces nuits qu’avec mes touaregs, je partais à la capture de gazelles vivantes aux pattes engourdies par le froid et momentanément dans l’impossibilité de se déplacer.

 

Avoir parcouru dans l’accomplissement des missions les plus diverses, les départements des Oasis de Biskra-Touggourt-Hassi-Messaoud-Laghouat-Ouargla, d’El Goléa à El Oued, était-ce assez pour prétendre mériter l’admission parmi les sahariens ?

Non ! me répondraient sur un ton cordialement amusé les anciens du Groupement Autonome de Gendarmerie du Sahara….Ouargla c’est le Nord ; il vous reste à connaître le Sud, le Sahara du Sahara en somme… Quand vous aurez dépassé El Goléa, traversé le plateau du TADEMAÏT, atteint TAMANRASSET alors vous aurez une idée de ce qu’est le Sahara…

 

Malheureusement, les événements de fin 1962 m’ont empêché de connaître IN-EKKER-IN-ANGUEL et TAMANRASSET et d’élargir mon champ d’action jusqu’au pied de la chaîne de Hoggar. J’ai quand même fait ample moisson de souvenirs et ressenti complètement le mystérieux envoûtement du sud et n’ai pu faire que de répondre à nouveau à l’appel du désert. Victime du rapatriement obligatoire sur la métropole après plus de quinze années passées en ces lieux inoubliables, j’ai formulé une demande d’affectation pour le Tchad.

 

La traversée du Sahara ne dépend plus aujourd’hui que de la sûreté de fonctionnement des moteurs d’automobiles et des appareils radio. L’homme utilise les possibilités de ses véhicules et des moyens matériels mis à sa disposition sans qu’il ait à faire appel à son énergie, à son endurance et à sa foi. Aussi doit-il modérer son enthousiasme et chasser  de son esprit toute vaine gloriole.

Le mystère du désert disparaît peu à peu ; sur ses pistes, vont encore les caravanes au pas lent, mais grondent aussi les lourds camions aux cabines climatisées, les citernes monstres, les traiteurs et leurs remorques chargées de tubes d’acier et de trépans.

 

Quoi qu’il en soit, peut-être certains d’entre vous retourneront-ils un jour vers les vastes espaces et les larges horizons sous le ciel flamboyant ?

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