De quoi se souvient-on ?

par Emile Pecqueur

Mais de qui ou quoi au juste se souvient-on…. quand il faut se souvenir ?

Autour du même événement, les années ajoutent ou retranchent des émotions, des réflexions qui en changent la nature. Les lignes du passé bougent perpétuellement. La vie n’est pas dans les livres, elle s’userait douloureusement dans chacun.

…. J’ai appris en Indochine le combat de la jungle, où la peur est d’abord en soi. Je me souviens de la première embuscade dans la plaine des Jones avec un détachement du 22^ème Régiment d’Infanterie Coloniale dont un sous-officier spécialiste des courses nocturnes, à tel point qu’il donnait l’impression d’avoir plus vécu la nuit que le jour.

Je l’ai déjà dit et je le répète ; une opération dans la jungle était un choc pour un européen. Nous avancions dans un froissement d’herbes sans radio, avec l’impression que le moindre bruit se répercutait à des kilomètres. Les croassements des crapauds-buffles résonnaient comme une marche solennelle. Tout homme avancé dans son âge sait que le temps ne s’écoule pas de manière uniforme. Elles ne laissent pas plus d’empreintes dans la mémoire que nos pas dans le désert.

A l’inverse, d’autres séquences de la vie, parfois remarquablement bien, prennent une place écrasante au soir de l’existence.

….. En Indochine, des milliers d’hommes jeunes et pleins de promesses mouraient au nom d’une cause nationale et de leur drapeau sans que personne ne s’en émeuve.

Les Légionnaires et Parachutistes, pour ne parler que d’eux, vivaient comme des preux, des hommes désintéressés et idéalistes, qui risquaient leur peau pendant que le reste du pays ne pensait qu’à s’enrichir.

« Jeunesse de France, souviens toi toujours de ce que tu dois aux femmes et aux hommes qui furent si grands dans l’épreuve et dans le malheur. »